La clé d’une diversification réussie ne réside pas dans la quête d’une idée révolutionnaire externe, mais dans la capacité à capitaliser sur les actifs, compétences et synergies déjà présents au sein de votre entreprise.
- Identifier les compétences « orphelines » et les actifs invisibles est le point de départ le plus sûr pour toute nouvelle offre.
- Une extension logique, cohérente avec l’ADN de la marque, est systématiquement moins risquée qu’un « saut dans l’inconnu » sur un marché totalement nouveau.
Recommandation : Avant même d’étudier de nouveaux marchés, la première étape consiste à réaliser un audit stratégique de vos savoir-faire internes pour y déceler des opportunités de croissance inexploitées.
Pour tout dirigeant d’entreprise, il arrive un moment charnière. Un plateau de croissance, une dépendance excessive à un seul produit, ou simplement la conscience qu’un marché peut changer du jour au lendemain. L’idée de la diversification apparaît alors comme une évidence stratégique, une promesse de nouveaux relais de croissance et d’une résilience accrue. Pourtant, cette voie est semée d’embûches. La plupart des conseils se concentrent sur l’analyse de marché ou la recherche de la « prochaine grande idée », poussant les entrepreneurs à regarder constamment vers l’extérieur. Cette approche est non seulement coûteuse, mais surtout risquée : elle ignore la ressource la plus précieuse et la moins chère dont vous disposez déjà.
Et si la véritable clé n’était pas de chercher à être quelqu’un d’autre, mais de devenir une version plus complète de vous-même ? L’erreur fondamentale est de voir la diversification comme une rupture, un saut dans le vide. Au contraire, les stratégies les plus robustes la conçoivent comme une extension, une ramification logique de l’ADN de l’entreprise. Il ne s’agit pas de trouver ce que vous *pourriez* faire, mais de découvrir ce que vous êtes *déjà* capable de faire, sans même le savoir. Vos processus internes, votre base de données clients, les compétences annexes de vos équipes sont des gisements de valeur qui ne demandent qu’à être exploités.
Cet article n’est pas une énième liste de types de diversification. C’est un guide pour vous aider à penser en architecte de gamme. Nous allons d’abord distinguer une extension cohérente d’un pari hasardeux. Ensuite, nous explorerons comment dénicher les pépites cachées au sein même de votre organisation. Nous analyserons ensuite des stratégies concrètes comme la montée en gamme ou le « low-cost », avant de nous attaquer aux risques de cannibalisation. Enfin, nous verrons comment tester vos idées à moindre coût et, surtout, comment intégrer cette culture de l’innovation pour que la diversification ne soit plus une crise à gérer, mais une habitude stratégique.
Pour vous guider dans cette réflexion architecturale, voici le parcours que nous allons suivre. Il est conçu pour construire pas à pas votre stratégie, de l’identification des opportunités à leur déploiement maîtrisé.
Sommaire : Développer une stratégie de diversification cohérente et rentable
- Diversification : la différence entre une extension logique et un saut dans l’inconnu
- Vos compétences cachées valent de l’or : comment trouver des idées de diversification en regardant à l’intérieur de votre entreprise
- La montée en gamme : comment créer une offre premium pour augmenter vos marges et votre image de marque
- Le « low-cost » : une stratégie bien plus complexe qu’il n’y paraît
- Le risque de cannibalisation : comment lancer un nouveau produit sans tuer l’ancien ?
- La diversification : la stratégie la plus risquée, et comment la maîtriser
- Le MVP : l’art de tester une idée en vrai, rapidement et à moindre coût
- L’innovation n’est pas un éclair de génie, c’est une habitude : comment l’intégrer dans l’ADN de votre PME
Diversification : la différence entre une extension logique et un saut dans l’inconnu
Toute réflexion sur la diversification commence par une question fondamentale : partez-vous en exploration lointaine ou cultivez-vous une parcelle adjacente de votre jardin ? La première option, le « saut dans l’inconnu », consiste à s’aventurer sur un marché où ni vos compétences, ni votre marque, ni vos clients actuels ne vous donnent un avantage de départ. C’est la diversification conglomérale, la plus risquée. La seconde, l’extension logique, s’appuie sur au moins un pilier de votre activité existante : votre savoir-faire technique, votre image de marque ou votre canal de distribution. C’est une démarche concentrique ou horizontale, infiniment plus sûre.
L’enjeu n’est pas de manquer d’audace, mais de construire sur des fondations solides. L’histoire entrepreneuriale regorge d’exemples qui valident cette approche. En France, le succès de L’Occitane en Provence ou de Michel et Augustin illustre parfaitement cette croissance maîtrisée. Le premier est passé de la vente de savon sur les marchés à un empire cosmétique mondial en étendant progressivement son savoir-faire autour des ingrédients naturels provençaux. Le second, parti d’une simple recette de biscuits, a élargi son territoire aux yaourts et boissons en capitalisant sur une image de marque forte et décalée. Comme le souligne une analyse sur la diversification comme nécessité pour les PME et TPE, ces succès ne sont pas le fruit du hasard mais d’une cohérence stratégique.
Penser en termes d’extension logique, c’est voir votre entreprise comme un système solaire. Votre cœur de métier est le soleil, doté d’une « gravité de marque ». Toute nouvelle activité doit pouvoir orbiter autour sans déstabiliser l’ensemble. Si une nouvelle offre est trop éloignée, elle échappera à cette gravité et se perdra, emportant avec elle de précieuses ressources. La véritable discipline stratégique consiste à évaluer cette distance et à ne retenir que les projets qui bénéficient de l’attraction de votre activité principale.
Votre plan d’action : Évaluer la cohérence d’une diversification
- Points de contact : Listez tous les piliers de votre entreprise (compétences techniques, clientèle, marque, canaux de distribution). La nouvelle idée s’appuie-t-elle sur au moins un de ces piliers ?
- Collecte des actifs : Inventoriez les éléments de votre activité actuelle qui pourraient être directement transférés au nouveau projet (ex: une base de données clients qualifiée, un processus logistique optimisé).
- Cohérence de l’ADN : Confrontez la nouvelle offre à vos valeurs et à votre mission. Est-ce que ce nouveau produit ou service raconte la même histoire que votre marque ?
- Mémorabilité et permission : Évaluez l’élasticité de votre marque. Vos clients actuels vous « autoriseraient-ils » à vendre ce nouveau produit ? (Ex: une marque de sport peut vendre des boissons énergisantes, mais difficilement des services financiers).
- Plan d’intégration : Définissez comment le nouveau projet sera intégré. Sera-t-il une nouvelle gamme sous la même marque ou une marque « flanqueuse » distincte pour protéger la marque mère ?
Cette évaluation initiale est le filtre qui sépare les opportunités réelles des mirages coûteux. Elle transforme la question « Quoi de neuf ? » en une question bien plus puissante : « Comment capitaliser sur ce qui existe déjà ? ».
Vos compétences cachées valent de l’or : comment trouver des idées de diversification en regardant à l’intérieur de votre entreprise
La source la plus fertile d’idées de diversification ne se trouve pas dans les rapports de tendances, mais dans les couloirs de votre propre entreprise. Chaque jour, pour délivrer votre produit ou service principal, vous développez une multitude de compétences, de processus et de données qui sont de véritables actifs invisibles. Ce sont des savoir-faire que vous considérez comme acquis, mais qui pourraient avoir une valeur immense s’ils étaient isolés et proposés comme une offre à part entière. On les appelle parfois des « compétences orphelines » : des expertises développées pour un projet spécifique et jamais réutilisées.
Ce paragraphe introduit un concept complexe. Pour bien le comprendre, il est utile de visualiser ses composants principaux. L’illustration ci-dessous décompose ce processus.

Comme le montre ce schéma, chaque étape joue un rôle crucial. L’audit interne permet de révéler des opportunités inattendues. Par exemple, une entreprise de logistique qui a développé un logiciel de suivi ultra-performant pour ses propres besoins pourrait le commercialiser auprès d’autres acteurs du secteur. Une agence de marketing qui a créé une méthode de formation interne très efficace pour ses chefs de projet pourrait la transformer en une offre de formation externe. Il s’agit de « désencapsuler » la valeur cachée dans vos opérations.
Pour systématiser cette recherche, il est nécessaire d’organiser un véritable audit interne. Cela peut prendre la forme d’ateliers avec vos équipes, en posant des questions ciblées : « Quelle est la chose que nous faisons mieux que personne, même si ce n’est pas notre produit final ? », « Si un client pouvait acheter un de nos processus internes, lequel choisirait-il ? », « Quelles données collectons-nous qui pourraient avoir de la valeur pour d’autres ? ». Cette démarche proactive transforme la diversification d’une quête anxiogène en une exploration passionnante de votre propre potentiel.
- Cartographier les savoir-faire : Listez toutes les compétences développées, y compris pour des projets abandonnés ou des clients passés.
- Identifier les actifs non-exploités : Pensez à vos données clients, vos processus optimisés, votre réputation sur une niche très spécifique, vos outils internes.
- Organiser des ateliers créatifs : Impliquez vos équipes pour révéler des opportunités auxquelles vous n’auriez pas pensé. Le « job crafting inversé » consiste à demander aux collaborateurs comment leurs tâches pourraient devenir un produit.
En adoptant cette posture d’archéologue de votre propre entreprise, vous découvrirez que les fondations de votre prochain relais de croissance sont probablement déjà sous vos pieds.
La montée en gamme : comment créer une offre premium pour augmenter vos marges et votre image de marque
Une des stratégies de diversification les plus élégantes est la diversification verticale vers le haut, ou « premiumisation ». Plutôt que d’aller chercher de nouveaux clients, il s’agit de proposer plus de valeur à vos clients existants ou à un segment plus exigeant du marché. Cette approche a un double avantage : elle augmente mécaniquement vos marges bénéficiaires et renforce votre image de marque par un effet de halo. Une offre premium crédible rehausse la perception de l’ensemble de votre gamme. Starbucks est un exemple canonique : après avoir conquis le marché du café, l’entreprise a massivement investi dans une offre de restauration premium, transformant ses boutiques en destinations pour un repas complet et non plus une simple pause-café.
La montée en gamme peut prendre deux formes principales : l’amélioration du produit lui-même ou la création d’une offre de service à forte valeur ajoutée autour du produit. Le choix entre ces deux axes est un arbitrage stratégique majeur qui dépend de vos compétences et de votre capacité d’investissement.
Ce tableau, inspiré par une analyse des stratégies de croissance pour les PME, synthétise les deux approches principales de la montée en gamme.
| Stratégie | Offre Premium Produit | Offre Premium Accès |
|---|---|---|
| Focus | Version luxueuse du produit | Accès à l’expertise (coaching, masterclass) |
| Marge moyenne | +30-50% | +100-200% |
| Investissement initial | Élevé (R&D, matériaux) | Modéré (temps expert) |
| Différenciation | Qualité supérieure | Expérience unique |
L’offre premium « produit » consiste à créer une version améliorée de votre offre existante : matériaux plus nobles, fonctionnalités avancées, design exclusif. C’est la voie suivie par l’industrie automobile avec ses finitions « luxe ». L’offre premium « accès », quant à elle, ne vend pas un objet mais une expérience ou une expertise. Un éditeur de logiciel pourrait proposer, en plus de sa licence, un service de coaching personnalisé. Un artisan pourrait offrir des masterclass pour apprendre son savoir-faire. Cette seconde option est souvent plus rentable et moins capitalistique, car elle monétise un actif que vous possédez déjà : votre temps et votre expertise.
Quelle que soit la voie choisie, une stratégie premium réussie repose sur une seule chose : une proposition de valeur radicalement supérieure et clairement perceptible par le client. Le surcoût doit être justifié par un bénéfice tangible, qu’il soit fonctionnel, statutaire ou expérientiel.
Le « low-cost » : une stratégie bien plus complexe qu’il n’y paraît
À l’opposé de la montée en gamme se trouve la diversification vers le bas : la création d’une offre « low-cost » ou d’entrée de gamme. Si l’attrait d’adresser un marché de masse avec des prix agressifs est puissant, c’est une des stratégies les plus périlleuses. Le low-cost n’est pas une simple version « moins chère » de votre produit. C’est un modèle économique entièrement repensé, fondé sur une obsession de la réduction des coûts à chaque étape de la chaîne de valeur. L’échec survient lorsque les entreprises se contentent de réduire la qualité et le prix, sans transformer leurs processus en profondeur.
Une stratégie low-cost viable repose sur une discipline de fer et des choix radicaux. Il ne s’agit pas de « faire moins bien », mais de « faire différemment » en éliminant tout ce qui n’est pas essentiel aux yeux du segment de clientèle visé. Cela implique souvent une automatisation poussée, une standardisation extrême et une redéfinition complète du service client. Penser que l’on peut simplement lancer une version basique de son offre existante sans revoir toute la structure de coûts est une erreur qui peut détruire les marges de toute l’entreprise.
Le plus grand danger est la cannibalisation négative et la dégradation de l’image de marque. Pour éviter cela, la création d’une marque « flanqueuse » distincte est souvent indispensable. Cette nouvelle marque agit comme un bouclier, permettant de capter un nouveau segment de marché sans que l’offre low-cost ne vienne polluer la perception de la marque mère. C’est la stratégie adoptée par de nombreux groupes hôteliers qui opèrent des chaînes économiques sous des noms différents de leurs enseignes premium.
Pour qu’une stratégie low-cost soit rentable et ne mette pas en péril votre activité principale, plusieurs conditions doivent être réunies :
- Élimination des coûts cachés : Le support, le service après-vente et la gestion des retours doivent être réduits au strict minimum ou facturés en option.
- Protection de la marque mère : Une marque distincte est souvent la meilleure protection contre la dévalorisation de votre offre principale.
- Définition du « non-négociable » : Quel est le seuil de qualité minimum en dessous duquel vous ne descendrez jamais pour ne pas détruire la confiance ?
- Automatisation maximale : Tous les processus qui peuvent l’être (vente, support, livraison) doivent être automatisés pour réduire les coûts opérationnels.
- Test à échelle réduite : Il est vital de tester l’offre sur un segment de marché limité avant un déploiement national pour valider le modèle économique.
En définitive, le low-cost est un métier à part entière. Il exige une culture d’entreprise et des processus radicalement différents. S’y aventurer sans une préparation minutieuse, c’est prendre le risque de n’être ni premium, ni vraiment low-cost, mais simplement « cheap ».
Le risque de cannibalisation : comment lancer un nouveau produit sans tuer l’ancien ?
La peur la plus viscérale de tout dirigeant qui se diversifie est la cannibalisation : la crainte que le nouveau produit ne vienne « manger » les ventes de l’ancien, aboutissant à un simple transfert de chiffre d’affaires plutôt qu’à une croissance nette. Si ce risque est réel, il n’est pas une fatalité. Une cannibalisation bien maîtrisée peut même être une stratégie offensive pour occuper l’espace et empêcher un concurrent de s’installer. L’objectif n’est pas de l’éviter à tout prix, mais de la piloter pour qu’elle soit créatrice de valeur globale pour l’entreprise. En effet, les données montrent que le jeu en vaut souvent la chandelle : une étude indique que près de 30% des PME qui se diversifient finissent par augmenter leur part de marché globale.
La clé pour maîtriser la cannibalisation est un positionnement chirurgical de chaque offre. Chaque produit ou service de votre portefeuille doit avoir une cible, une promesse et un prix clairement définis et différenciés. Si deux produits s’adressent exactement au même client avec des bénéfices trop similaires, la cannibalisation est inévitable. Il faut créer des « couloirs de nage » distincts pour chaque offre. Par exemple, une offre « premium » doit justifier son prix par des fonctionnalités ou un service que l’offre standard n’a pas, tandis qu’une offre « low-cost » doit impliquer des sacrifices clairs pour le client (moins de service, moins d’options).
Contre-exemple : L’échec de Coca-Cola dans le vin
Dans les années 1970, Coca-Cola a tenté une diversification majeure en investissant dans l’industrie du vin. Malgré un succès initial, l’entreprise a vite réalisé que la culture, les marges et les réseaux de distribution étaient radicalement différents de ceux des boissons non alcoolisées. La marque Coca-Cola, associée à la consommation de masse et à la rapidité, n’avait pas la « permission » de ses consommateurs pour s’aventurer sur le terrain du vin, un produit de terroir et de patience. Cet échec illustre un cas où la nouvelle offre ne cannibalisait pas l’ancienne, mais où elle échouait à trouver sa place car elle était trop éloignée de l’ADN et du territoire de la marque mère.
Pour éviter ce piège, une segmentation claire est essentielle. Vous pouvez différencier vos offres par :
- Le niveau de performance : Une version « Pro » avec plus de fonctionnalités.
- Le public cible : Une offre pour les débutants, une pour les experts.
- Le canal de distribution : Un produit vendu uniquement en ligne, un autre en boutique.
- Le modèle de tarification : Un abonnement versus un achat unique.
En somme, la bonne question n’est pas « mon nouveau produit va-t-il cannibaliser l’ancien ? », mais « la cannibalisation générée sera-t-elle compensée par l’acquisition de nouveaux clients ou la fidélisation des anciens, aboutissant à une part de marché et une rentabilité globale plus élevées ? ».
La diversification : la stratégie la plus risquée, et comment la maîtriser
Il ne faut pas se voiler la face : de toutes les stratégies de croissance, la diversification est structurellement la plus risquée. Elle vous pousse hors de votre zone de confort, là où vos certitudes sont moindres et vos investissements plus élevés. Cependant, le risque ne doit pas être un frein, mais un paramètre à gérer. Le maîtriser ne consiste pas à chercher le « risque zéro », mais à faire des choix éclairés et à mettre en place des garde-fous pour que les échecs potentiels soient des apprentissages et non des catastrophes.
Ce choix stratégique est brillamment symbolisé par cette image d’un échiquier, où chaque mouvement peut ouvrir des opportunités ou exposer le roi.

Une des premières décisions pour maîtriser le risque est le choix entre une diversification interne (développer la nouvelle offre avec vos propres ressources) et une diversification externe (acquérir une autre entreprise ou une licence). Comme le montre une analyse des stratégies de diversification, chaque approche a son propre profil de risque, de coût et de vitesse. La voie interne est plus lente mais vous donne un contrôle total, tandis que la voie externe est plus rapide mais souvent plus coûteuse et plus risquée en termes d’intégration culturelle.
Le tableau suivant détaille cet arbitrage fondamental entre le développement en interne et l’acquisition externe.
| Critère | Diversification Interne | Diversification Externe |
|---|---|---|
| Temps de mise en œuvre | Long (12-24 mois) | Court (3-6 mois) |
| Investissement R&D | Élevé | Faible |
| Maîtrise du processus | Totale | Partielle |
| Coût d’acquisition | Progressif | Immédiat et élevé |
| Risque | Modéré | Élevé |
Au-delà de ce choix initial, la gestion du risque passe par une approche séquentielle. Il faut décomposer le projet de diversification en étapes, avec des « portes de validation » claires. À chaque étape (validation de l’idée, prototype, test marché), vous ne devez engager que les ressources strictement nécessaires pour atteindre le jalon suivant. Cette approche par « investissement progressif » limite l’exposition financière et permet de pivoter ou d’arrêter un projet avant qu’il ne devienne un gouffre financier.
Finalement, maîtriser le risque, c’est remplacer l’espoir par un processus. C’est définir à l’avance les critères de succès et d’échec, et s’engager à respecter ces règles, même lorsque l’affect entre en jeu.
À retenir
- L’ADN comme boussole : La diversification la plus sûre et la plus rentable est celle qui prolonge les compétences, la marque ou la clientèle que vous possédez déjà. Regardez à l’intérieur avant de chercher à l’extérieur.
- Maîtriser le risque par l’expérimentation : La stratégie la plus risquée peut être dé-risquée en adoptant une approche progressive. Le MVP n’est pas un produit, c’est un outil pour apprendre vite et à moindre coût.
- L’architecture de gamme prime sur l’idée : Le succès ne vient pas d’une seule bonne idée, mais de la cohérence de l’ensemble de vos offres. Chaque produit doit avoir une place et une cible claires pour éviter la cannibalisation et maximiser la valeur globale.
Le MVP : l’art de tester une idée en vrai, rapidement et à moindre coût
Une fois qu’une idée de diversification a passé les premiers filtres de cohérence, le réflexe est souvent de se lancer dans un cycle de développement long et coûteux. C’est une erreur. L’étape suivante n’est pas de construire le produit, mais de tester l’hypothèse la plus risquée : « Est-ce que quelqu’un est prêt à payer pour ça ? ». C’est tout l’art du Produit Minimum Viable (MVP). Le MVP n’est pas une version dégradée de votre produit final. C’est la version qui nécessite le moins d’effort possible pour obtenir un maximum d’apprentissages sur vos clients.
L’objectif du MVP est de confronter l’idée à la réalité du marché le plus vite possible. Il ne s’agit pas de vendre, mais d’apprendre. Le véritable indicateur de succès d’un MVP n’est pas le chiffre d’affaires, mais la qualité des retours clients collectés. Un MVP qui ne génère aucune vente mais qui vous apprend que votre cible n’est pas la bonne ou que votre proposition de valeur est floue est un MVP réussi. Il vous a fait économiser des mois, voire des années, de développement dans la mauvaise direction.
Il existe des alternatives encore plus légères que le MVP logiciel traditionnel, particulièrement adaptées pour tester une offre de service ou un produit physique. Ces techniques permettent de valider la demande avant même d’écrire une seule ligne de code ou de lancer la moindre production.
- Le MVP Concierge : Vous réalisez le service entièrement à la main pour les premiers clients. L’objectif est de comprendre leurs besoins en profondeur, sans aucune automatisation.
- Le Magicien d’Oz : L’interface (le site web, l’application) semble automatisée pour le client, mais en coulisses, toutes les opérations sont effectuées manuellement par votre équipe. Cela permet de tester l’expérience utilisateur à faible coût.
- La page de vente test : Vous créez une page de destination décrivant le produit comme s’il existait, avec un bouton « Acheter maintenant ». Ce bouton ne mène pas à un paiement, mais à un formulaire « Laissez-nous votre email pour être prévenu du lancement ». Le taux de conversion sur ce formulaire est un puissant indicateur de la demande réelle.
- Le club des bêta-testeurs : Impliquer vos clients existants les plus fidèles dans la co-création de la nouvelle offre est une excellente manière de vous assurer qu’elle répond à un vrai besoin.
Adopter l’état d’esprit MVP, c’est accepter que votre première idée est probablement fausse, et que votre travail n’est pas de la défendre, mais de la faire évoluer au contact de la réalité.
L’innovation n’est pas un éclair de génie, c’est une habitude : comment l’intégrer dans l’ADN de votre PME
Avoir réussi une diversification est une chose. Bâtir une entreprise capable de se réinventer en continu en est une autre. La diversification ne doit pas être un projet exceptionnel mené en situation de crise, mais le résultat d’une culture d’innovation profondément ancrée dans l’ADN de l’entreprise. L’innovation, ce n’est pas une salle de créativité avec des poufs colorés ; c’est un ensemble de processus, de rituels et d’habitudes qui autorisent et encouragent l’exploration et l’expérimentation à tous les niveaux de l’organisation.
Pour qu’une PME devienne structurellement innovante, la direction doit envoyer des signaux forts. Le premier est d’allouer du temps et des ressources dédiés à l’exploration. Sans temps protégé, l’urgence du quotidien l’emportera toujours sur l’importance du futur. Le second signal est de dédramatiser l’échec. Un échec dont on tire des leçons est un investissement en R&D. Célébrer les « échecs intelligents » est l’un des moyens les plus puissants de libérer la prise d’initiative de vos équipes.
Transformer une culture ne se fait pas par décret, mais par la mise en place de rituels concrets et réguliers. Il s’agit de rendre l’innovation visible, prévisible et valorisée. Remplacer la vieille « boîte à idées » passive par un pipeline de projets transparent, où chacun peut voir les idées progresser, être testées, et parfois abandonnées, est un changement fondamental. Cela transforme l’innovation d’une suggestion éthérée en un processus métier, au même titre que la vente ou la production.
Voici quelques rituels concrets pour faire de l’innovation une habitude :
- Instaurer un « temps protégé » : Allouer, par exemple, chaque vendredi après-midi à des projets d’exploration, sans lien avec les tâches quotidiennes.
- Organiser des « démos du vendredi » : Un point hebdomadaire court où les équipes présentent leurs expérimentations de la semaine, qu’elles aient réussi ou échoué.
- Créer un « prix de l’échec intelligent » : Récompenser mensuellement le projet qui, bien qu’ayant échoué, a généré le plus d’apprentissages utiles pour l’entreprise.
- Remplacer la boîte à idées : Mettre en place un tableau Kanban (physique ou numérique) visible de tous, qui suit le parcours d’une idée de sa soumission à son test.
- Documenter les apprentissages : Tenir un « journal des échecs » partagé où sont consignés les résultats des tests et les leçons apprises.
En intégrant ces habitudes, vous ne préparez pas seulement votre prochaine diversification. Vous construisez une entreprise qui ne subit pas le changement, mais qui le pilote, en faisant de l’exploration et de l’adaptation sa plus grande force.